Il y a quelques jours, pour la journée de la femme, ma fille qui est en élémentaire m'expliquait que les animateurs du temps de déjeuner avait octroyé aux filles le droit de jouer (seules, s'entend) au ballon. Franchement, cela faisait un peu aumône lancée à un troupeau de gueuses du jeu. Mais bon, j'imagine que c'est mieux que rien. Et, partant des animateurs, qui sont bien et dynamiques, et font ce qu'ils peuvent avec les élèves et les moyens de la mairie, c'était une bonne intention. Même si, comme elle me le raconta aussi, cela souleva un vent de révolte et de plaintes geignardes chez les membres du sexe fort, qui passèrent chevaleresquement le temps de midi à jouer à créer des alliances entre eux et à occuper le terrain afin de perturber le jeu féminin. Quelques jours passèrent, et, un bonheur ne venant jamais seul, Marie-Joséphina, ma fille, m'expliqua un soir que les délégués avaient pris la parole le matin pour allouer un temps de football aux filles de la classe. Celui-ci, validé par le maître, est d'une demi-journée. Le ridicule de la chose (le problème du partage du jeu / du terrain, ayant été pointé, pourquoi ne pas partager équitablement, tout simplement ? Ou acheter deux ballons ?) a malgré tout provoqué un tollé chez les mâles, qui se sont sentis spoliés jusque dans leurs cœurs de Pokémon. Et ont prévu de distribuer taquets et sobriquets les jours J, jusqu'à ce que vraisemblablement, lassées ou ulcérées, elles leur renvoient le saint objet pour se consacrer à autre chose. Est-ce que l'équipe éducative, qui, évidemment, est loin de se gratter le calbut, leur permettra d'être tranquilles ou leur apprendra à partager ? Franchement, vu l'octroi, d'un huitième, je peux me permettre d'en douter.
J'ai aimé ce polar de science-fiction bien ficelé, bien documenté aussi, qui présente un voyageur du temps retrouvé par hasard (enfin en est-ce un ?) dans un chantier de fouilles archéologiques au large de Jérusalem. Le squelette retrouvé dans une terre inviolée présente, entre autres, une fine bourse en matière végétale dans laquelle est retrouvée la notice d'utilisation américaine d'un caméscope qui n'existe pas encore sur le marché mais dont le prototype est à l'étude chez Sony. Notice elle-même enveloppée dans une housse qui a la consistance du plastique et que le carbone 14 date de 2000 ans. Qu'a pu filmer cet homme, apparemment naufragé du temps, au 1er siècle en Palestine, avec le recul de 2000 ans d'histoire ? Cela parait évident et l'aubaine inespérée à John Kaun, infect magnat de la finance et propriétaire del chaine de télévision NEW qui se met en chasse de la vidéo, mais se retrouve pris de vitesse par Stephen Foxx, le super bénévole petit génie de l'entreprenariat à l'origine de la découverte,Judith, à qui ont bien profité les années de service militaire obligatoire en Israël, et Yehoshuah, qui travaille au musée Rockefeller... De l'action, des poursuites, des sbires à sales gueules, des membres de l'Inquisition, des visites nocturnes en labo archéologique, des paradoxes temporels, une bonne brochette de personnages, tout est là pour un bon polar SF difficile à lâcher.
A noter que le livre a reçu plusieurs prix prestigieux et a été adapté sur le petit écran. Une suite existe également, L'Affaire Jésus.
Détail plaisant, un passage qui cite Trump (le livre est paru en Allemagne en 1998), p. 100, et prouve qu'Andreas Eschbach ne maitrise (maitrisait ?) pas le voyage temporel :
"Bref: il fallait tenir. Pour le moment, son empire n'était encore qu'un colosse aux pieds d'argile. L'exemple à fuir absolument - Kaun avait d'ailleurs très sérieusement songé à installer une photo de cet individu sur sa table de travail - était celui d'un magnat de l'immobilier des années quatre-vingt, un certain Donald Trump, depuis tombé dans l'oubli. Pendant des mois et des mois, les médias l'avaient encensé, donnant de lui l'image d'un gagneur, d'un prodige de la finance, à tel point qu'il avait lui-même fini par le croire et par perdre un peu les pédales. Par la suite, certains l'avaient taxé de "mégalomanie", ceux-là mêmes qui, bien souvent, applaudissaient des deux mains lorsqu'il était apparemment encore au top. Sa chute avait été rapide et cruelle: les banques avaient annulé leurs promesses de crédit, les investisseurs s'étaient retirés, les projets avaient capoté. Il était tombé très, très bas avant de disparaître presque entièrement de la circulation." (sic!)
Une autre petite citation, à méditer :
""Quel genre de papier tu prendrais, toi ? lui demanda l'Américain. Je veux dire, si tu avais l'intention d'écrire une lettre censée résister pendant deux mille ans ?" Yehoshuah garda les yeux rivés sur le matériau friable [...] "Je ne prendrais pas de papier du tout, rétorqua-t-il.
- Non ? s'étonna Stephen. Tu prendrais quoi, alors ?
- Un bon vieux film plastique inaltérable. De ceux qu'on utilisait il n'y a encore pas si longtemps pour fabriquer les sacs d'emballage distribués dans le commerce, avant que certains ne se rendent compte que ce n'était pas franchement écologique [écrit en 1998, mais en Allemagne, ils sont plus vifs à la détente dans ce domaine...]. Rédige ton message là-dessus, et ce n'est pas deux mille ans qu'il résistera, mais facilement dix fois plus."